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Et si les GAFA avaient cassé les Internets ? Et si nous assistions à la fin d’une belle époque sur le Web pour les PME ? Il y avait de quoi avoir peur lorsque l’on écoutait les 10 premières minutes de la conférence à IMF de Rand Fishkin, star du SEO mondiale et fondateur de Moz.

Nous avons eu la chance d’interviewer Rand suite à cette conférence afin de discuter du futur du SEO et des opportunités pour les PME. Entre faits chiffrés lucides, clairvoyance pragmatique et optimisme créatif, voici un résumé condensé de la conférence de Rand et de notre interview.

  1. Les 4 problèmes du web
  2. 5 conseils aux PME B2B
  3. 5 tactiques pour marketeurs

 

Rand Fishkin a fondé Moz, société éditrice du logiciel SEO MOZ, devenue l’une des plus belles pépites tech dans le monde. Mais Rand n’a pour autant pas oublié d’où il vient, avec une mère entrepreneur et un grand père qui l’aidait à décrypter les brevets des algorithmes de Google.

Cet amour de la PME et cette passion des algorithmes l’ont fait devenir le gourou du SEO qu’il est aujourd’hui, capable de diagnostiquer méthodiquement les évolutions du webmarketing. Il a d’ailleurs condensé tous ses précieux conseils pour les fondateurs d’entreprises dans son livre “Lost and founder”.

Ces dernières années, Rand est également devenu un véritable lanceur d’alerte sur les positions de monopole des géants de la tech comme Google ou Facebook : lorsqu’il critique les projets de Google pour masquer les URLs, les mises à jour de YouTube pour gérer les vidéos intégrées sur des sites, ou l’abus de position dominante de Google pour l’utilisation des contenus tiers et sa récupération pour son propre profit. Et tout cela dans le but de laisser de nouvelles PME émerger :tweet rand fishkin google vs pmeAfin de pouvoir réussir sur le web en marketing, il faut d’abord diagnostiquer les problèmes, et les opportunités en découleront. Voici donc les 4 piliers des maux du webmarketing selon Rand :

1/ Les 4 cavaliers de l’apocalypse du web d’aujourd’hui

1.1/ Google : et si le diable était déjà parmi nous ?

“Don’t be evil”, disaient-ils chez Google. Est-ce déjà trop tard ? À vous de juger.
Voici les faits : le moteur de recherche leader du marché a pendant longtemps laissé la part belle aux résultats naturels, c’est à dire non sponsorisés et venant de sites autres que Google. Le moteur de recherche ne fait que restituer les résultats et renvoyer le trafic vers ces sites.

Mais cela change, alors qu’auparavant les résultats naturels représentaient près de 100% du trafic, les publicités ont grignoté plus de 6% des clics sur ordinateur, et près de 9% sur mobile. Et cela ne devrait pas aller en s’améliorant vu les tests réalisés dernièrementctr-resultats-organiques-desktop-eu-us-2016-2018Le plus effrayant reste la part des recherches sans clics. Cela veut dire que l’internaute a trouvé sa réponse sans avoir besoin de cliquer : c’est le cas pour une recherche sur 3.

Alors que tout le monde critique l’ajout massif de publicités, c’est en fait Google qui scrappe les sites, vole les contenus et les affiche parfois sans citation directement dans ses résultats.
Google pénalise les sites faisant du “duplicate content”, mais favorise lui-même ses contenus dupliqués dans les résultats de recherche…

Ici par exemple, Google cite bien sa source, mais ne lui renvoie pas de trafic puisque l’internaute aura directement sa réponse dans la page de résultats :

slogan google dont be evilLes ratios de clics par recherche sont encore pires sur mobile avec plus de la moitié des recherches n’aboutissant pas à un clic. Cela représente environ 36% de clics sur les résultats naturels en Europe, et la barrière des 30% est passée pour les États-Unis :
ctr resultats organiques mobile eu us 2016 2018Prenons un cas pratique.
Pour une requête cherchée 1000 fois par mois, la 1ère position pouvait espérer capter 40% de ce trafic, soit 400 visiteurs, il y a encore quelques années.

En 2019, pour cette même requête, le potentiel de clic ne serait plus que de 250 visiteurs environ. Le potentiel business est donc presque divisé par 2.

Les craintes sont confirmées par le logiciel ahrefs qui estime un taux de clic de 47% sur cette requête de “slogan google” :example de statistique de clic dans ahrefs

1.2/ Réseaux sociaux : plutôt médias que sociaux

Tweetez, likez, commentez, buzzez… Le community management a eu le vent en poupe pendant 5 bonnes années, avant de voir arriver de plus en plus de sceptiques, et pour cause : “Reach” de Facebook en baisse, ROI difficile à prouver, royaume du faux, et trafic envoyé en baisse constante.
Par exemple, la dernière étude de Shareaholic démontre que le trafic renvoyé par les réseaux sociaux a connu son apogée en 2015 et est en baisse constante depuis :etude shareaholic trafic socialLes réseaux sociaux sont ainsi devenus des médias à part entière, essayant de garder au maximum les utilisateurs sur leur propre plateforme, et monétisant au maximum cette audience.

1.3/ Fake it until you make it, le royaume de l’influence

Au royaume de l’influence, l’apparence est reine. Il suffit d’analyser le compte de Trump avec l’outil Fake Followers Audit de SparkToro pour s’en rendre compte :faux followers trumpL’outil permet de se détacher de la taille de l’audience pour analyser sa qualité, et ainsi faire le tri entre les vrais influenceurs et les imposteurs.
Mais pourquoi les influenceurs s’embêteraient-ils ? Comme l’a mentionné Rand qui a pu récolter des retours d’expérience d’influenceurs, les marques ne demandent même pas de chiffres afin de mesurer le retour sur investissement de leurs campagnes…
L’influence peut alors être résumée dans cette magnifique slide de la conférence de Rand à Inbound Marketing France :conference rand fishkin influenceurs marketing

1.4/ Le retour sur investissement de la publicité tend vers zéro

La tendance du monde à se monopoliser possède des effets indirects sur le marché de la publicité digitale. Les fonds d’investissement inondent les startups de capitaux avec un objectif premier de croissance.
Le problème, c’est que croissance ne veut pas dire rentabilité, ce qui pousse les entreprises à entrer dans des compétitions d’enchères malsaines, quitte à avoir un coût d’acquisition non rentable.
Cela réduit ainsi considérablement la rentabilité des campagnes SEA et provoque des barrières à l’entrée pour les PME.

Prenons un exemple pour une entreprise voulant lancer un logiciel CRM. Il faudra débourser entre 18 et 60€ pour espérer arriver en haut de 1ère page pour le mot clé « CRM software ». Avec un taux de conversion important de 10% (soit 5 fois la moyenne en B2B, en supposant qu’il s’agisse d’une bonne landing page), cela nous donne un coût au lead de 180 à 600€.
Si l’on choisit la fourchette basse de 180€, et que l’on reprend nos chiffres évoqués dans notre infographie sur le cycle d’achat, voici les coût des différentes étapes du tunnel d’acquisition :
Lead qualifié : 360€
Opportunité : 1200€
Client : 6000€
Sauf que cela ne représente QUE les coûts de la publicité digitale, auxquels il faudra ajouter les coûts humains. Bref, il y a de fortes chances que cette publicité soit à perte !
Rand nous a confié penser que cela finira par nuire à tous sur le long terme, même aux géants de la tech.

Le fondateur de Moz dresse donc un portrait bien pessimiste, mais réaliste, du web marketing en 2019. Cette analyse est nécessaire pour faire évoluer et améliorer nos pratiques en tant que PME.
Comme notre gourou américain n’est pas qu’un expert du référencement, mais avant tout un entrepreneur, il nous a offert un tour d’horizon des stratégies disponibles pour les PME, et les marketeurs B2B.

2/ 5 conseils de Rand Fishkin aux PME B2B

2.1/ Trouver sa niche de marché

Aux questions de concurrence toujours plus féroce et de monopoles des géants que nous avons pu poser à Mr Fishkin, il nous a répondu :
« Si vous voulez vous démarquer en tant que petite entreprise, vous devez être prêt à faire des choses que les grandes entreprises ne peuvent ou ne veulent pas faire, c’est à dire beaucoup de créativité et d’innovation autour du produit et du marketing. »
Avant de penser canaux et tactiques SEO, l’essentiel est donc d’avoir le produit qui permet de se démarquer.

Et pour se démarquer, rien de tel que l’hyper spécialisation, qui permet d’avoir un niveau de granularité unique pour son marché et son marketing.

Rand a ainsi cité comme exemple : “au lieu de dire que vous allez concurrencer Gmail et devenir un fournisseur d’e-mail, vous dites : nous savons que les spécialistes des relations publiques en Europe ont un processus très spécifique qu’ils utilisent pour gérer leurs e-mails et nous pouvons leur offrir une meilleure expérience de boîte de réception. C’est un marché très restreint mais vous pouvez le servir mieux que quiconque.”

C’est en quelque sorte la stratégie Océan bleu, qui consiste à trouver son élément différenciant afin de ne plus avoir de concurrence directe.

2.2/ Choisir ses batailles

Selon Rand, sur 10 entreprises qui se lanceront dans la création de contenu, seulement 2-3 réussiront réellement à obtenir un bon retour sur investissement.

Si une entreprise veut performer en contenu et en SEO, elle devra réellement investir dedans sur le long terme. Il n’est pas possible de demander des résultats à une équipe qui n’aurait pas les moyens de créer du contenu et de construire une mécanique inbound.

Sinon, il y a plein d’autres stratégies pour faire rentrer du business : la publicité, les relations presse, la prospection, etc. Elles ne sont pas antinomiques, mais pour une PME qui débute en acquisition, il sera compliqué de tout faire à la fois.

2.3/ Créer une spirale positive, puis trouver des growth hacks, pas l’inverse

Le growth hacking est un terme à la mode, à tel point que tout marketeur se retrouve à se poser la question “ajouter ou non growth hacker sur mon profil LinkedIn ?”
Rand estime qu’il faut d’abord mettre en place une spirale positive dans son marketing. Chaque stratégie aura son mécanisme, que l’on choisisse d’être tourné sur la pub et les relations presse, vers l’événementiel, ou comme ici pour le content marketing :conference rand fishkin strategie marketingLa croissance d’une entreprise n’est donc pas liée à un growth hack particulier, mais bien à la capacité de l’entreprise à passer à l’échelle ces spirales.

Attention cependant, le growth hack n’est pas dénué d’intérêt ! Il intervient dès lors que l’on rencontre une friction dans cette spirale.
Par exemple, nous n’arrivons pas à faire relayer nos contenus par les influenceurs pour qu’ils les amplifient. Quel serait le hack qui pourrait lever cette friction ?
Vous avez 3 heures.

2.4/ Analyser ET exploiter ses personas

Faire ses personas peut s’avérer complexe. Mais il s’agit d’une étape primordiale selon Rand. Il ne s’agit pas seulement d’étudier en détail la personnalité de nos cibles, mais bien les contenus qu’ils consomment et les canaux qu’ils utilisent.

L’objectif est bien de trouver tous les leviers possibles pour atteindre notre cible. Voici une liste non exhaustive :leviers pour atteindre sa cible en B2BVotre audience est présente sur Instagram et aucun de vos concurrents ne fait de publicité dessus ? Foncez !
Votre audience est fan d’une série télé ? Faites un article reprenant les codes de cette série !

L’analyse des personas est d’autant plus important aux yeux de Rand Fishkin qu’il a créé SparkToro, “a search engine for audience intelligence”, autrement dit un moteur de recherche pour analyser ses personas : ce qu’ils regardent, ce qu’ils écoutent, ce qu’ils lisent, qui ils suivent et où vont-ils…
Pour ceux qui n’ont toujours pas créé leurs personas, il y a aussi notre kit persona.

3/ 5 conseils aux marketeurs pour réussir dès 2019

3.1/ Centraliser les contenus sur son propre site

Facebook, Google, Medium, LinkedIn, … quelle que soit la plateforme où l’on va diffuser ses contenus, nous ne sommes pas à l’abri d’un changement de stratégie qui affecterait notre business.

Par contre, personne ne pourra nous enlever notre site. LinkedIn décide de diminuer la visibilité de ses articles ? Medium décide de faire payer pour diffuser des articles ? Facebook réduit son reach ? Si nos contenus sont centralisés sur notre site, ils ne seront jamais perdus.
Toutes ces plateformes ne sont alors que des canaux.

Au même titre, Rand nous a conseillé de garder le contrôle de nos bases de contact et de se construire notre propre base d’emails.

3.2/ Différencier ses canaux

Centraliser sur son site web ne veut pas dire ne pas utiliser ces plateformes comme leviers. Par exemple, reprendre un article diffusé sur son blog, l’adapter et le retravailler, puis le publier sur Medium et LinkedIn peut s’avérer très malin !

90% des gens utilisent Google donc on mise tout sur Google ? Et si au contraire on allait optimiser Bing étant donné que nos concurrents n’y apportent pas d’intérêt ?

Une chose est sûre, il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.

Selon Rand, l’email et la gestion des bases de contacts restent le canal numéro 1. Il préfère largement 10 nouveaux emails et contacts dans sa base que 1000 nouveaux abonnés sur un compte Twitter.
Une base de contacts opt-in nous appartient, une base d’abonnés sur un réseau social appartient au réseau social.

3.3/ Faire moins mais mieux sur les réseaux sociaux

Chiffres à l’appui avec ses propres comptes, Rand nous a démontré que faire une publication qui génère peu d’interactions pénalisera les futures publications dans leur diffusion. Cela s’explique par les algorithmes qui favorisent les bons contenus, engendrant des spirales “positives”.

Cela décrédibilise les théories d’Hubspot qui poussent à publier plus pour plus de visibilité, puisque toute “mauvaise” publication pourrait pénaliser notre diffusion. Certes il est intéressant de relayer ses contenus sur les réseaux sociaux et d’automatiser une partie du travail, mais il vaudra mieux relayer le message sur tous les profils des collaborateurs plutôt que de publier 10 fois le même message sur son compte entreprise.

À noter que cette théorie du “faire moins mais mieux” fonctionne très bien aussi en SEO pour faire face au “content shock”, comme nous l’avions dévoilé dans ce webinar.

3.4/ Amplifier avec ses contenus

Alors que Rand préconise d’être ultra spécifique dans son contenu et son marketing, il conseille de créer des contenus qui intéressent à la fois notre audience, et les influenceurs.

Cela peut vouloir dire traiter des sujets potentiellement un peu plus éloignés de notre produits, mais qui permettront d’élargir l’audience et de faire d’une pierre deux coups.

Par exemple chez Plezi, nous pourrions faire un comparatif des logiciels SEO. Certes cela n’a pas d’intérêt direct d’un point de vue produit/business, mais notre audience y trouverait un intérêt. Les logiciels SEO et les gourous du SEO seraient de merveilleux amplificateurs également.creer contenus interessants pour notre audience et influenceurs

3.5/ Allier SEO et SEA

Rand ne croit pas du tout à la publicité lorsque l’on ne connaît pas la marque. Inutile donc de faire de la publicité directe “demandez une démo” à une audience inconnue.

D’abord : il faut gagner l’attention de son audience par des contenus intéressants (autrement dit, faire de l’inbound), sans essayer de vendre à tout prix.

Ensuite, notre travail consiste à attirer sur notre site, capter le contact ou les faire s’abonner à nos comptes réseaux sociaux.

Et c’est là, et seulement là, qu’on fait de la publicité “produit” sur cette audience, qui nous connait déjà.

En amont dans le tunnel d’acquisition on utilise le SEO, puis ensuite le SEA combiné au marketing automation pour convertir et accélérer le processus d’achat. Avec cette technique, inutile donc de s’aligner sur des gros CPC (Coût Par Clic) en publicité payante, puisqu’on utilise les audiences de retargeting.
Rand Fishkin a su nous partager sa vision très pragmatique et concrète des évolutions du web et des opportunités à saisir pour les PME B2B. Pas de “quick win” ou de “growth hack” mais un ensemble de bonnes pratiques et des processus à établir, du recul à prendre, et surtout beaucoup de travail !

Retrouvez l’interview complet de Rand ici.

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Benoît Collet

Benoît Collet

Growth Marketeur chez Plezi, il est toujours à la recherche de nouvelles tactiques d'acquisitions et de nouveaux outils.